Les voix dissonantes
Texte
De plus en plus il n’y avait plus que leur point de vue qui les intéressaient. Tel un moulin qui sans cesse fait circuler la même eau dont on le remplit toujours, ils brassaient encore et encore les mêmes idées, les mêmes idées toujours. Ils aimaient qu’elles se fassent écho. Ils n’avaient pas compris que l’écho appelle le vide, qu’il n’attend d’autre réponse que le reflet de sa propre voix.
Certaines voix parvenaient encore à se frayer un chemin. On discutait encore de leurs idées, on leur accordait encore d’exister. Mais à quoi bon les détours, les erreurs, les errements ? À quoi bon les doutes ? Sans avoir à les écouter, c’était déjà trop que de les entendre. Elles gênaient. Il fallait les faire taire avant même qu’elles n’émergent.
Soudain le dialogue fut rompu et on n’entendit plus que l’écho de leurs voix. Alors, petit à petit, le silence se fit. Et la nuit tomba sur les hommes. Il n’y avait plus besoin de parler, il n’y avait plus besoin de penser. Il n’y avait plus qu’à aller se coucher, se border de sa vérité. On avait fait taire les voix dissonantes.